Le vitrage solaire, ennemi du bâtiment passif ?
Résumé : le bâtiment est passé de 1970 à 2015, soit en 45 ans, d’une consommation de chauffage de 100 kWh ?/m².an à 15 kWh/m².an. La raison principale est l’isolation thermique, mais la raison secondaire, qui est dans certains cas principale, provient des apports solaires. Examinons le tableau suivant (données à consolider avec un BET).
Tableau : voir image 1 ci-dessous.
Au préalable quelques définitions sur le facteur solaire issues de l’excellent site de la FFB (Syndicat National de la Fermeture de la Protection Solaire et des Professions Associées) : http://www.fermeture-store.org/volets-stores-f-g-h-i-j
Selon la norme NF En 14501, le facteur solaire est « le rapport entre l’énergie solaire totale transmise dans un local à travers une baie vitrée et l’énergie solaire totale incidente sur cette baie ». De manière plus générale, il s’agit de la capacité de la baie vitrée à transmettre l’énergie du soleil (sous forme de chaleur).
Défini dans les règles Th-S de la réglementation thermique « RT 2005 », le facteur solaire est compris entre 0 et 1. Pour chaque produit considéré (ex : vitrage, menuiserie, …), on distinguera différentes notations :
g : facteur solaire du vitrage,
gtot : facteur solaire de l’ensemble « vitrage et protection solaire (ou fermeture) »,
Sf : facteur solaire de la menuiserie (cadre de la baie vitrée) qui dépend de son matérieu et de sa couleur,
Sw : facteur solaire de la baie vitrée (cadre et vitrage), qui se calcule selon la formule suivante :
s • Sw = s • g + (1- s) • Sf
Sws : facteur solaire de la baie vitrée et de sa protection solaire (ou fermeture), qui se calcule selon la formule suivante : s • Sws = s • gtot + (1- s) • Sf
Sur un logement de 100 m² comportant une surface sud équivalente de 10 m², les apports solaires étaient en 1970 de l’ordre de 3 000 kWh soit 30 kWh/m², pour des besoins de 140 kWh/m².an, soit 13 000 kWh auxquels il faut retrancher 3000 kWh d’apports solaire, et 1000 kWh d’apports internes, ce qui fait un bilan de 10 000 kWh : il faut préciser qu’à cette époque, les doubles vitrages avaient un coefficient U ? de 3,3 W/m².°C, mais un facteur solaire ( coefficient g) de 0,8, c’est à dire qu’ils laissaient passer 80 % du soleil.
En 2015, l’isolation s’est renforcée, réduisant les besoins à 40 kWh/m².an soit 4 000 kWh/an de besoin, la surface des vitrages est sensiblement la même (parfois plus, parfois moins !), mais les facteurs solaires des vitrages (g) sont tombés à 0,4, voire plus bas, soit des apports solaires de seulement 1500 kWh/an, conduisant à une consommation de 1 500 kWh, après déductions des mêmes apports solaires. Avec des vitrages optimisés, la consommation tomberait à 500 kWh. Et le confort serait meilleur !
En cause la baisse du facteur solaire des vitrages choisis, d’une part parce que la législation du neuf (1) (et le crédit d’impôt sur la rénovation) ont exagérés les surchauffes d’été en imposant une réduction des facteurs solaires des baies Sw (entre 0,15 et 0,45) et d’autre part, parce que les professionnels ont mal interprété cette réglementation : en effet, alors que le législateur parle de baie (soit l’ensemble brise soleil/volet/fenêtre dont le vitrage et le rideau), beaucoup de professionnels ont décidé d’appliquer au seul vitrage ce coefficient réducteur.
Ainsi, parce que le législateur a été imprécis, et à la suite certains concepteurs et entreprises ont eu peur des surchauffes d’été, se retrouve-t-on avec des logements qui pourraient être quasiment passifs (soit proches du zéro énergie de chauffage), mais qui consomment plus que ce qui avait été souhaité par ces mêmes professionnels. Nous avons même rencontré des cas de logements en rénovation qui ont consommé plus avec des doubles vitrages récents Sud (U de 1,50 et g de 0,30) en remplacement de doubles vitrages anciens (U de 3,30 et g de 0,80)
Ce phénomène, rencontré très souvent dans les projets BDM ?, tant dans le neuf que la réhabilitation, nécessite une remise en question importante des manières de faire !
Comment savoir si un vitrage est solaire ou pas ?
• In situ, mais c’est déjà trop tard, le test du briquet : ( https://www.energie-environnement.ch/le-saviez-vous/324-on-peut-tester-les-performances-isolantes-de-ses-vitres-avec-une-allumette )
• A la commande, en précisant bien en plus du Ug et Uw, le g et le TL
Voir aussi le lien très intéressant de Energie plus : https://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=10396#c2234
Vérifications et bonnes pratiques :
Vous trouverez quelques éléments de réponse à contextualiser : la règle générale est issue de la course du soleil (15° par heure) et de son azimuth : les fenêtres se doivent d’avoir : un U FAIBLE et un FS FORT AU NORD, un FS FORT en hiver AU SUD ce qui parfois augmente un peu le U, un U FAIBLE ET FS FAIBLE en été A L’EST et l’OUEST, un U faible et un FS très faible en toiture, soit moins de 0,15 ou 0,20 (Fenêtres de toit)
• Les réponses dans le logement. Dans le logement existant, il s’agit de faire le bon diagnostic ; les méthodes diagnostic classiques n’intègrent souvent que le coefficient U et pas le facteur solaire (FS). Il est difficile d’avoir des vitrages avec un U très bas (très isolant) et un g haut (captant beaucoup de soleil). Il faut donc faire un compromis. . Si les vitrages existants sont simples, il importera de tous les remplacer si on est dans les Alpes, voire de rajouter un double vitrage (ou double fenêtre) qui s’ajoutera au simple. Si on est en méditerranée, on peut envisager au Sud d’utiliser les anciens double vitrage qui sont moins isolant mais beaucoup plus captant. A l’est et à l’ouest, sauf utilisation spéciale du logement comme bureau (ce qui revient à du tertiaire : voir la fiche WIKI-BD ECO-08) il est préférable d’avoir des volets et des vitrages avec un fort coefficient g que d’utiliser des vitrages à contrôle solaire, plus chers. Au nord, même réponse. Si les vitrages existants sont doubles, les remplacer au Nord, à l’Est et à l’Ouest par des vitrages plus isolants, mais garder les anciens doubles vitrages au Sud. Le logement neuf pourra avoir des réponses similaires. En conclusion, dans le logement qui sert de logement ( contrairement à un bureau, on peut fermer les volets dans un logement pour faire la sieste !), si on est équipé de volets, le vitrage à contrôle solaire n’a aucun intérêt
• Les réponses dans le tertiaire : elles sont les mêmes que pour les logements, hormis le fait que l’usage du tertiaire étant le jour, on ne pourra pas utiliser de volets opaques. En compensation, on utilisera des brises soleils extérieurs architecturaux adaptés à chaque orientation et chaque usage ( lien vers http://www.enviroboite.net/la-protection-solaire-architecturale ) ; par ailleurs, on renforcera à l’Est, à l’Ouest et en toiture ces brise soleils par des vitrages ayant de faibles FS. A noter la réponse bien argumentée (une fois de plus) de nos amis belges de l’école d’architecture de Louvain (site énergieplus) la neuve dans le lien ci-après : https://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=15428
Autres infos consultables sur l’enviroBOITE :
• La réglementation thermique et les caractéristiques des vitrages (ici lien avec la fiche de Karine PELLEREY : système baie)
• La course du soleil en hiver, été et demi-saison (lien avec les fiches de Jean Louis IZARD et la surface sud équivalente )
(1) : A ce sujet, la nouvelle réglementation thermique dans l’existant ( https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034271631&dateTexte=&categorieLien=id ) précise : Art. 10 : Les fenêtres, porte-fenêtres, et façades-rideaux des bâtiments non-résidentiels installées ou remplacées, excepté celles exposées au nord ou masquées, doivent satisfaire, par l’utilisation d’un vitrage de contrôle solaire ou d’une protection mobile ou par l’association des deux solutions, à un facteur solaire de la paroi complète Sw inférieur ou égal à 0,35 ». Ceci veut donc bien dire que le résultat ne provient pas seulement du vitrage.