Résumé
Question : pourquoi les lots techniques sont-ils passés de 15 % à 25 % des budgets bâtiments en 40 ans alors que le réchauffement climatique nous impose de réduire fortement les consommations ?
La consommation c’est de l’énergie. Et l’énergie, c’est de la puissance multipliée par du temps : E = P*t ou bien plus simplement : kWh ? = kW* h.
Donc, si l’on réduit P, on réduit E.
Certes, ce n’est pas proportionnel, mais ce qu’il faut savoir, c’est que le coût d’une installation est proportionnel à sa puissance.
Pourquoi donc continuer à installer des puissances de chauffage de l’ordre de 60 à 100 W/m² alors qu’on peut désormais chauffer avec 15 à 30 W/m² ?
Il en est de même pour l’électricité et le rafraîchissement. Cette fiche commence par rappeler les ratios issus de la fiche : 21 indicateurs du bâtiment durable puis développe son argumentation sur le chauffage, l’éclairage et le rafraîchissement.
1. Puissance de chauffage (en PACA bord de mer)
• Projet non optimisé : 30 W/m²
• Projet moyen : 20 W/m²
• Projet optimisé : 15 W/m²
• Source : retours d’expériences BDM ?
• Attention : dans le cas de locaux à fort renouvellement d’air, calcul spécifique
Fiche dimensionnement de nos amis belges de Louvain : https://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=17072#c20935043
Explications d’Olivier SIDLER données sur la liste Negawatt : Oui le surdimensionnement est une vraie plaie : ça coûte cher à l’investissement et ça coûte cher à exploiter. Ceci est né de l’angoisse des BET d’avoir une installation « qui ne chauffe pas ».
Mais dans les bâtiments actuels, très isolés, on bénéficie quoiqu’on fasse d’importants apports de chaleur gratuits (solaires, internes). Si bien qu’en réalité on n’utilise qu’une fraction de la puissance de chauffage des générateurs. Les campagnes de mesure ont très bien mis cela en évidence : à l’INEED (http://www.enertech.fr/modules/catalogue/pdf/38/bilan-mesures-ineed.pdf), la chaudière dimensionnée sans surpuissance, a atteint durant l’année, pendant 10’ (pas de temps de la mesure) un taux de charge de 67 %, et pendant seulement 132h dans l’année (soit 1/2 h /j) le taux de charge a dépassé 50%. Vu l’inertie du bâtiment, on aurait donc pu mettre une chaudière 2 fois moins puissante et personne ne s’en serait aperçu.
Mais quel est l’inconvénient de la surpuissance sur l’immense majorité des chaudières ? C’est que la chaudière fonctionne, puis s’arrête, re-fonctionne puis s’arrête : elle fonctionne « à charge partielle ». Et dans les périodes d’arrêt une part importante des pertes continue à exister (pertes par les parois, par le conduit de fumée, refroidissement du corps de chauffe, etc.). Comme, du fait de la charge partielle la puissance utile livrée diminue, il s’ensuit que le rendement (qui vaut Eta =Putil /Pfinal mais comme Pfinal = Pertes + Putile, on peut écrire Eta = 1 / (1+Pertes/Pu)) décroit lorsque le rapport Pertes/Pu augmente.
En logements neufs, je n’ajoute jamais la puissance ECS et celle du chauffage pour déterminer la puissance à installer : je prends la plus importante des deux puissances, et je donne la priorité à la production ECS. Les bâtiments ont une constante de temps tellement élevée (sauf peut-être les bâtiments très peu inertes) que l’on peut les priver de chauffage pendant longtemps sans que les usagers ne s’aperçoivent de rien : un jour, on a eu une panne sur une installation de chauffage à Lyon. Les usagers s’en sont aperçus….4 jours plus tard [2]. On peut donc donner la priorité à l’ECS sans état d’âme !
Et la relance matinale ? Et bien je ne fais plus de ralentis de nuit parce qu’ils ne servent plus à rien ! En effet, l’intérêt du ralenti, à l’origine, était d’abaisser la température du logement pour mieux dormir et pour faire des économies d’énergie. Mais aujourd’hui, quand on fait un ralenti, la température baisse de 0,4°C passant de 21,0 à 20,6°C ! Donc on ne bénéficie d’aucun des avantages recherchés. En revanche, le matin, toute la distribution de chauffage est froide et les chaudières estiment (à tort !) qu’elles ont besoin d’une surpuissance pour remettre en chauffe. Mais il n’y a rien à remettre en chauffe, juste à réchauffer l’eau de l’installation, ce qui pourrait se faire sans surpuissance.
Et dans le tertiaire où on coupe la nuit et les WE ??? Et bien j’adopte une règle simple : je ne mets aucune surpuissance en place, et je calcule la température extérieure jusqu’où je peux me permettre de faire un ralenti de nuit et qui me garantit une remontée de température suffisamment rapide. Et lorsque la température extérieure est inférieure à cette température limite, et bien je ne fais plus de ralenti : le chauffage est continu. J’évite donc les difficultés du matin pour remonter en température. Cette situation se produit seulement quelques jours/an, et ne porte donc pas préjudice à ma consommation annuelle. Mais cela me permet de ne pas installer de surpuissance inutile tout le reste de l’année !
En rénovation, conserver la veille chaudière peut ruiner la rénovation. Au départ elle a déjà une surpuissance au moins d’un facteur 2. Mais une fois les besoins réduits d’un facteur 5 par les travaux de rénovation, la surpuissance est d’un facteur 10. La chaudière n’est pratiquement plus en mesure de fonctionner correctement : elle démarre/s’arrête toutes les minutes. En général elle tombe rapidement en panne. Mais si elle ne tombe pas en panne, son rendement est alors exécrable.
Voilà, on pourrait parler longtemps des dégâts de la surpuissance. La règle est vraiment d’avoir la main légère. Il n’y a aucun risque ! Côté émetteur, on dimensionne aujourd’hui avec des régimes de température très bas. On dispose donc de surpuissances à l’émission considérables si jamais on en avait besoin (il suffit d’augmenter la température de départ chaudière). La surpuissance à l’émission n’a pas de conséquence comme celle sur le générateur. Elle est même plutôt favorable puisqu’elle permet d’abaisser les niveaux de température de l’installation, et donc de réduire les pertes de cette distribution.
2. Puissance d’éclairage installée pour 300 lux
• Projet non optimisé : moins de 9 W/m² éclairé
• Projet moyen : moins de 6 W/m² éclairé
• Projet optimisé : moins de 3 W/m² éclairé
• Source : retours d’expériences BDM
Explications : Un petit calcul d’éclairage pour une salle de classe de 50 m².
• 1° cas : éclairage 300 lux partout sauf sur une bande de 0,5 m en périphérie, forte efficacité des luminaires (105 lumen/watt). Puissance installée 211 watts soit 4,22 W/m².
• 2° cas : éclairage 500 lux partout, y compris en périphérie, efficacité moyenne (80 lumens/watt). Puissance installée : 493 watts soit 9,86 W/m².
• Bilan : un investissement multiplié par 2 et sur 30 ans pour 40 classes, 11 280 kWh/an de surconsommation soit 50 000 euros.
• Et des risques de maladies oculaires : cataracte, DMLA pour les personnes âgées d’après Suzanne Déoux (Bâtir pour la santé des enfants – Eyrolles – 700 pages 78 euros)
3. Puissance de rafraîchissement
• Projet non optimisé : 60 W/m² et plus
• Projet moyen : 45 W/m²
• Projet optimisé : 30 W/m² maxi ou pas de clim !!!
• Source : retours d’expérience BDM, ARENE PACA, Hôtel de Région Clermont-Ferrand
• Attention : dans le cas de locaux à fort renouvellement d’air, calcul spécifique
Explications : les puissances à installer en froid sont légèrement supérieures à celles du chauffage car en été, les apports solaires et internes se rajoutent aux apports de chaleur à vaincre par les parois. Par ailleurs, le renouvellement d’air dans le cas de locaux à forte occupation rajoutent des charges importantes (15 à 30 m3/h par personne, c’est 50 à 100 W de puissance froid à rajouter pour un écart intérieur/extérieur de 10 ° C). De ce fait, il importe d’une part de réduire le débit de renouvellement d’air à la valeur nécessaire sans plus et, d’autre part, si l’usage n’est pas ponctuel, d’utiliser un échangeur double flux pour récupérer la fraîcheur de l’air vicié qui sort. En matière de logements, dans la plupart des cas, si le bâtiment est bien conçu, et bien géré (fermer les volets le jour !) on peut se passer de climatisation sitôt que les variations jour/nuit sont présentes (ce qui est plus difficile en bord de mer). Par contre, pour des bureaux, ceci est plus délicat car les obturations sont par natures ouvertes le jour, au moment où a lieu l’occupation.