Bâtiments passifs : harmoniser inertie, orientation et apports solaires, corps de chauffe et régulation

Wiki-BD GED-06

Résumé : la part des apports internes et solaires peut être de 80 à 90 % dans le bilan thermique d’hiver d’un bâtiment passif [5] (voir la fiche 1 sur les vitrages et le tableau N°1 ci-dessous). Il était de moins de 30 % avant les réglementations thermiques. La régulation de la température de chauffage doit donc évoluer en conséquence, en fonction des usages et des orientations, si l’on veut arriver aux résultats attendus. Ce travail d’harmonisation impose à l’architecte et au thermicien de travailler en commun dès les premiers traits de crayon. Si les ingénieurs n’arrivent qu’après l’architecture, c’est le début des problèmes pour les utilisateurs !

ARCHITECTURE ET ORIENTATION : la situation d’un bâtiment et son orientation dépendent de nombreux facteurs non climatiques que nous devons respecter : positionnement dans le quartier, règles d’urbanisme, usages, etc…Qu’il nous soit permis toutefois d’insister sur l’importance de l’orientation et de son lien avec le confort thermique et visuel des utilisateurs :
- le Nord ne reçoit pas de soleil en hiver, mais peut en recevoir en été, surtout si l’on est Nord Est ou Nord Ouest, voilà pourquoi, un shed au Nord, reçoit plus de soleil en été qu’un shed au Sud équipé d’une casquette. Mais la lumière du Nord est très appréciée, et le Nord est la seule orientation qui permet de voir…la façade Sud d’un paysage ou d’un autre bâtiment !
- l’Est et l’Ouest reçoivent assez peu de soleil en hiver et beaucoup en été : ces orientations nécessitent des savoir faire en matière de brise soleil. Bien gérées, ces orientations permettent des éclairages chauds et dynamiques.
- le Sud reçoit beaucoup de soleil en hiver et très peu en été si les baies sont équipées de "casquettes". Côté éclairage, l’orientation Sud écrase un peu la vision du paysage.

La conclusion, c’est qu’il n’y a pas d’égalité de confort thermique et visuel selon les orientations : mais, la connaissance fine des avantages et inconvénients de chaque orientation donne à l’architecte des outils de diversité importants.

RÈGLES ARCHITECTURALES :
- QUALITATIVE : il importe de définir avec soin le lien entre chaque orientation et chaque usage, y compris la densité humaine de cet usage : par exemple, pour le lycée du Pic Saint Loup, l’architecte Pierre Tourre avait orienté les classes Nord et Sud et les bureaux Est et Ouest. Pourquoi ? Parce que, en raison d’une densité d’occupation très différente, une classe a besoin de beaucoup de lumière (ce qui est possible en Nord et Sud avec des brise soleil simples) et les bureaux ont besoin d’une lumière plus ponctuelle (ce qui est possible en Est et Ouest avec des brise soleil plus complexes)
- QUANTITATIVE : l’architecte qui veut faire un bâtiment passif devra veiller, avec l’aide de son thermicien, à prévoir une équité d’apports solaires pour chaque orientation. Attention, équité ne veut pas dire égalité, car certains usages ont des besoins moindres que d’autres. Toutefois cette règle a des limites : prenons l’exemple d’un bureau construit sur les 4 directions : il est illusoire d’imaginer qu’un pourcentage de baies important, par exemple de 80 % de la façade sur un bureau Sud permettra d’apporter une chaleur suffisante en hiver pour des bureaux Est, Nord et Ouest qui auraient eux des baies vitrées de seulement 10 % de la surface de leurs parois respectives : la chaleur ayant du mal à se transférer (en ouvrant les portes ou par une VMC double flux dont l’air est un piètre vecteur), on arrivera à coup sûr à des déséquilibres graves. On définit à ce sujet un coefficient nommé Indice d’ouverture I ouvbat qui doit être compris pour le bâtiment entre 10 et 25 % (en fonctions des protections solaires et des usages) sans dépasser ponctuellement pour une pièce 35 %. (définition Iouvbat = Total de la surface des baies en tableau/surface utile du bâtiment)

THERMIQUE ET RÉGULATION : Avant l’arrivée de la forte isolation et des surfaces vitrées importantes, les déperditions thermiques étaient nettement supérieures aux apports internes et aux apports solaires. Les déperditions étant proportionnelles à l’écart entre la température intérieure et la température extérieure, on se basait pour réguler la température intérieure sur la température d’une sonde extérieure placée au Nord à l’abri de toutes sources de chaleur et de soleil. Dans les cas particuliers de locaux très vitrés, il arrivait que l’on utilise une sonde solaire placée au sud pour « corriger » la sonde Nord. Et s’il s’agissait de locaux tertiaires très denses en population, on rajoutait une sonde intérieure toujours pour « corriger » la sonde extérieure.

Les conditions de fonctionnement d’un bâtiment passif des années 2000 sont radicalement différentes de celles d’un bâtiment d’avant les réglementations. Les outils de conception et les techniques utilisées doivent aussi être différents.
Les exceptions deviennent des règles. Le tableau n°2 ci-dessous nous précise les cas où la régulation prend une grande importance, au risque d’avoir des surchauffes AUSSI en hiver.

RÈGLES TECHNIQUES :
- il importe de prévoir un système de régulation par orientation et par usage. D’où l’intérêt que le thermicien se coordonne avec l’architecte dès l’esquisse
- L’inertie de l’élément chauffant doit être inférieure à l’inertie de l’élément chauffé.

Fonctionnement de 4 cas de bâtiments :

1. Cas 1 : Bâtiment peu vitré, inertie forte : ce bâtiment ne sera sûrement pas passif faute de surface vitrée suffisante, mais il pourra supporter des corps de chauffe à forte inertie, car l’inertie de ces corps de chauffe sera inférieure à l’inertie du bâtiment. La régulation pourra se faire en fonction de la température extérieure. Toutefois, si ponctuellement, une des pièces est à forte densité ou très ensoleillée, il importera de rajouter un complément de régulation par l’intérieur : robinet thermostatique pour petits locaux et vanne deux voies pour grands volumes.

2. Cas 2 : Bâtiment peu vitré, inertie faible : ce bâtiment ne sera sûrement pas passif, faute de surface vitrée suffisante, et il ne devra pas comporter de corps de chauffe à forte inertie (plancher chauffant), sauf dans des directions recevant peu de soleil (Nord ou autres directions comportant des masques). La régulation pourra se faire en fonction de la température extérieure mais devra être complétée, à cause de la fable inertie du bâti, par des régulations d’ambiance, pièce par pièce. Enfin, la faible inertie imposera de faire des calculs de STD [6] sur la plupart des pièces EST, OUEST et SUD et ces calculs devront se faire aussi pour l’hiver.

3. Cas 3 : Bâtiment très vitré, inertie faible : ce bâtiment pourra être passif, mais la gestion du couple apports/déperditions ne sera pas simple : tout d’abord, il ne devra pas comporter de corps de chauffe à forte inertie (plancher chauffant [7]) sauf dans des directions recevant peu de soleil (Nord ou autres directions comportant des masques). La régulation pourra se faire en fonction de la température extérieure la nuit mais devra être complétée le jour, à cause de la faible inertie du bâti et des forts apports solaires, par des régulations d’ambiances, pièce par pièce. Enfin, sur des locaux très fortement vitrés (plus de 30% de la surface du sol), une sonde solaire anticipatrice devra couper les apports de chauffage un peu avant l’arrivée du soleil [8]. Là plus qu’ailleurs, la situation imposera de faire des calculs de STD (voir note en bas de page sur STD) sur la plupart des pièces EST, OUEST et SUD et ces calculs devront se faire aussi pour l’hiver. Attention, dans ce cas, l’architecte doit prévoir les brise-soleil adaptés.

4. Cas 4 : Bâtiment très vitré, inertie forte : ce bâtiment sera passif pour les pièces ayant des apports solaires adaptés (à savoir, que chacune des pièces doit avoir une surface captante équivalente Sud ni trop faible ni trop forte), et la gestion du couple apports/déperditions sera simple : tout d’abord, il pourra comporter des corps de chauffe à forte inertie (plancher chauffant), mais les nappes de chauffage devront être individualisées pièce par pièce pour pouvoir faire l’équilibrage et avec un dispositif de limitation également pièce par pièce. Le calcul doit se faire sans surpuissance surtout pour les pièces au Sud ; l’emploi d’une base plus appoint peut dans certains cas être superflue et coûteuse. Compte tenu de toutes les objections du plancher chauffant, il est préférable de le cantonner au Nord et de mettre des plafonds chauffants ou des radiateurs ailleurs. La régulation pourra se faire en fonction de la température extérieure la nuit, mais devra être complétée le jour, à cause des forts apports solaires, par des régulations d’ambiance, pièce par pièce. Enfin, si vous souhaitez maintenir un chauffage de base sur des locaux très fortement vitrés (plus de 30% de la surface du sol), une sonde solaire anticipatrice devra couper les apports de chauffage de base un peu avant l’arrivée du soleil. Faire des calculs de STD été/hiver (voir note en bas de page sur STD). Attention, dans ce cas, l’architecte doit prévoir les brise-soleil adaptés.

Précautions d’emploi : le contexte, toujours le contexte !

Cette fiche, qui résume en quelques pages un nombre infini de possibilités, doit être replacée dans son contexte : les résultats peuvent changer en fonction :
• De l’orientation et de la nature des vitrages dont les facteurs solaires varient actuellement de 0,2 à 0,8 et les ? de 1 à 2
• Du type de fenêtre et de sa position par rapport au mur
• De la protection solaire des baies, fixes ou mobiles, motorisée ou pas
• De l’usage : résidentiel ou tertiaire
• De la densité d’occupation : logement, bureau ou salle de classe
• Du type de ventilation : double ou simple flux, naturel ou hybride, etc..
• Du type de corps de chauffe : rayonnant, convectif, mixte
• De la compétence de l’usager
• Et bien sûr du climat, la réponse étant différente à Menton ou Briançon ! notons que cette fiche est conçu pour un climat de type méditerranéen (de bord de mer ou montagnard : alpes du Sud)

C’est pourquoi, les simulations thermiques dynamiques été/hiver sont primordiales, avec des paramètres de calcul les plus proches de la réalité (évitons les impasses du type : l’usager ouvrira ses fenêtres le soir ou fermera ses volets manuellement, si l’on sait qu’il n’existe pas de personnel pour le faire), et doivent être associées avec des sondes d’ambiances permettant de vérifier ses calculs (je fais ce que j’ai dit, je vérifie ce que j’ai fait).

Voir aussi

L’EnviroBOITE est co-financée par l’Union Européenne.
L’Europe s’engage en Provence-Alpes-Côte d’Azur
& en Auvergne-Rhône-Alpes
avec le Fonds Européen de Développement Régional.
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