Vers une approche régénérative du bâtiment

Déroulé de l’EnviroFEUILLE #114


par Céline BONNIN

D’après une enquête de Willmott Dixon* parue en 2010, le secteur de la construction représente 23% de la pollution atmosphérique, 40% de la pollution de l’eau potable, jusqu’à 50% des déchets mis en décharge et 80% de la disparition des terres agricoles. Dans son rapport 2020**, l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction (GlobalABC) révélait que ce secteur représentait 38% du total des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie.

Face à ce constat alarmant, l’urgence de construire autrement s’impose. Comment donc envisager un bâti en accord avec son environnement, dont l’impact sera non seulement limité mais pourrait être positif ?

PREAMBULE

Afin de mieux appréhender le sujet, il est bon de définir quelques concepts :

  • Les limites planétaires : ce concept est apparu en 2009 dans une publication dans la revue Nature par une équipe internationale de 26 chercheurs menée par le scientifique suédois Johan Rockström et Will Steffen de l’Université nationale australienne. Il définit des seuils au-dessus desquels l’équilibre et le bien-être de l’Humanité sont mis en danger par de potentielles catastrophes environnementales. Ces limites sont au nombre de neuf et, en 2022, six d’entre elles étaient considérées comme dépassées.

Présentation du concept des limites planétaires
notre-environnement (site du Gouvernement), 23/09/2019

Les neuf limites planétaires identifiées :

  • Changement climatique : dépassée avec une concentration atmosphérique en CO2 supérieure à 350 ppm (partie par million*)
  • Erosion de la biodiversité : dépassée avec un taux d’extinction de 100 à 1000 espèces sur un million par an au lieu des 10/1 million prévues
  • Modifications des usages des sols : dépassée
  • Perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore : dépassée
  • Acidification des océans
  • Utilisation mondiale de l’eau : dépassée
  • Appauvrissement de l’ozone stratosphérique
  • Augmentation des aérosols dans l’atmosphère : la limite n’a pas été quantifiée à l’échelle de la planète
  • Introduction d’entités nouvelles dans la biosphère : dépassée

*Article de Libération du 14/11/2022 sur l’importance de cette donnée de concentration de CO2 dans l’atmosphère avec un outil de recherche sur le taux de ppm par dates : Dérèglement climatique : en quelle PPM êtes-vous né.e et pourquoi c’est important ?

  • La durabilité : la durabilité des choses, bâtiment ou autre, suppose que cette "chose" est conçue pour durer dans le temps sans impacter son environnement, ni la santé humaine.
  • La conception biophilique : projet intégrant des éléments du monde naturel aux constructions ou dans les périmètres d’aménagements urbains. La "biophilie" exprimant l’attrait de l’Homme pour tous les organismes vivants. Et par extension, l’effet positif de ce "vivant" sur la santé physique, mentale ou émotionnelle de l’Homme.

REINSCRIRE LE BÂTIMENT DANS LES LIMITES PLANETAIRES

  • L’architecture régénérative
    Le concept d’ "architecture régénérative" est né du constat que les bâtiments sont responsables de 40% des émissions totales de CO2 au niveau mondial. L’architecture régénérative tend à intégrer le bâtiment dans un environnement qui devient support. Le territoire et ses composantes sont le point de départ et la clé de voûte du projet de bâtiment pour que ce dernier ait un impact positif sur son environnement naturel.
  • Le bâtiment régénératif pour la transition écologique des milieux d’habitat
    Mémoire de master02 à l’Institut d’architecture et d’urbanisme, option Architecture et habitat, à l’Université Blida1 (Algérie), 2017
    Dans le cadre d’un projet de conception d’un théâtre régional à Boughezoul (Algérie), l’auteur de ce mémoire est revenue sur les états de l’art sur le bâtiment régénératif et la transition écologique.
  • L’intégration dans l’environnement
  • Métabolisme territorial ou urbain : un champ de recherche qui prend de l’ampleur
    France urbaine, 16/06/2022
    "Le métabolisme territorial ou urbain représente l’ensemble des flux de matières et d’énergie nécessaires au territoire, qu’ils soient importés, transformés, transportés, exportés ou rejetés dans l’environnement. [...] Les intercommunalités investissent de plus en plus les études sur le métabolisme territorial pour assurer le développement et la gestion durable de leur territoire."
  • La sélection de ressources Biodiversité
    Retrouvez es outils pour préserver la biodiversité dans nos bâtis et nos territoires.
  • La sélection de ressources Le biomimétisme dans la construction
    Les ministères de la Transition économique et de la Cohésion des territoires et de la Transition énergétique définissent sur leur site le biomimétisme comme "une démarche consistant à « aller chercher son inspiration, pour une innovation durable, dans la nature, où l’on trouve des stratégies à la fois performantes, efficientes et résilientes pour synthétiser et dégrader des matériaux, se fixer ou se déplacer, stocker ou distribuer l’énergie, traiter l’information, organiser les réseaux et les échanges, et bien d’autres choses encore ».

DEMONTABILITE, REVERSIBILITE, REPARABILITE

La durabilité d’un bâtiment dépend de la réflexion menée dès sa conception. Un bâtiment est appelé à évoluer au fil des années : il doit pouvoir changer de vocation, pouvoir être réhabilité ou démonté pour que ses éléments puissent être réutilisés.

REPLACER L’USAGER AU COEUR DU BÂTIMENT

Au-delà des phases de conception et réalisation d’un projet, il ne faut pas négliger l’usage qui s’ensuit. Ce sont les occupants d’un bâtiment, habitants de logements, usagers de locaux professionnels, élèves de classes, etc, qui doivent ensuite s’approprier ce bâtiment et le faire vivre, l’entretenir et adopter les bonnes pratiques pour que son utilisation soit maximale et permette bien-être et confort.

  • La ville partagée : un territoire à explorer
    Le Monde, 20/09/2017
    Une analyse des projets urbains menés en concertation avec les citoyens montre qu’une implication forte de ces derniers facilite l’atteinte des objectifs. Quand les concitoyens investissent leur territoire pour en faire un laboratoire du "faire ensemble", la ville se transforme de manière positive.

QUELLE STRATEGIE POUR LA MISE EN PRATIQUE ?

Alors ? Concrètement, comment on intègre le bâti dans son environnement ? Quelle(s) stratégie(s) adopter ?

Il n’existe pas de réponse unique, l’important est la réflexion en amont, à la conception du projet, pour prendre en compte tous les paramètres. Ensuite, plusieurs pratiques se complètent.

  • La frugalité, la sobriété, le low-tech
    "Frugalité", "low-tech", "alternatif", "sobriété"... la terminologie est diverse et s’oppose parfois mais l’idée principale est là : adopter une démarche économe, en ressources et en énergie, et locale, en matériaux et savoir-faire tout en redonnant sa place à l’occupant dès la conception du projet. Ce concept s’inscrit dans une volonté de lutter contre le changement climatique et d’adopter une autre manière de vivre et de consommer.
  • L’économie circulaire
    D’après l’Ademe, "l’économie circulaire vise à changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, et en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits".

* Document source : The Impacts of Construction and the Built Environment, de Willmott Dixon, décembre 2010.

** Document source : Les émissions du secteur du bâtiment ont atteint un niveau record, communiqué de presse de l’ONU, 16/12/2020.


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